Décryptage de l'ouvrage "Ces femmes qui aiment trop" Robin Norwood. Tome 1
- sandrine gourdy
- 12 janv. 2023
- 7 min de lecture

Il semblerait que la plupart de nos relations amoureuses soient empruntes de nos expériences du passé, principalement celles de l'enfance.
Le présent ouvrage décliné en deux tomes nous explique, ainsi que le sous-entend notre phrase introductive, pourquoi nous attirons des hommes qui ne nous conviennent pas. Bien sûr que la question pourrait également se poser pour les hommes qui, pour certains, peuvent aussi avoir des relations malencontreuses. Pourtant, le cas des femmes comme toujours dans ce domaine est de loin emblématique. C'est donc à l'analyse de cette problématique que je veux me livrer.
Tout d'abord, la lecture de ce livre suit une démarche personnelle comme d'ailleurs la plupart des livres que je lis. Celle ci consiste à vouloir comprendre les expériences qui sont les miennes de manière générale et celles que je vis en interaction avec les autres, plus particulièrement avec les hommes. Il est important d'avoir à l'esprit que rien arrive vraiment par hasard. Les choix que nous faisons sont pour le moins orientés et reliés à de fortes croyances que nous avons entretenues sur le long terme. C'est sur ce point qu'insiste l'auteur pour montrer l'importance de "bien connaitre son passé pour maîtriser son avenir".
Ensuite, l'auteur du livre, Robin Norwood, est psychothérapeute. Elle s'est consacrée aux problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie avant de se spécialiser dans la dépendance affective. Son ouvrage s'appuie sur les témoignages de "femmes qui aiment trop" qui sont essentiellement des patientes qu'elle suit jusqu'à leur guérison. Selon elle, ces femmes qui aiment trop "confondent amour et souffrance, passion et sacrifice". Un thème assez récurrent dans la littérature en développement personnel. En effet, nous avons tous cette tendance à faire un lien entre amour et souffrance et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la plupart des hommes pensent que les femmes aiment les "mauvais garçons", les hommes qui leur font du mal. Dans plusieurs passages du livre, les patientes de l'auteure expliquent à quel point il leur est "ennuyeux" d'être en compagnie d'hommes qui leur veulent du bien, d'hommes qui leur apporteraient l'apaisement qu'elles méritent. En fait, pour ces femmes, l'amour apaisé est synonyme d'ennuie tout simplement parce que dans leur conception de l'amour une vraie relation amoureuse n'a de sens que si elle est douloureuse et pleine de tourments. Les films et romans de notre époque en sont une excellente illustration.
TOME I
L'auteur mentionne dans le tome 1 que "nous aimons trop parce que nous essayons de vaincre les peurs, les colères, les frustrations et les souffrances que nous avons connues dans notre enfance". Autrement dit, il s'agit pour nous, dans nos relations, de corriger tous les travers dont nous avons pu être les victimes plus jeunes et de nous convaincre du bien fondé de nos croyances.

Tout cela naturellement est totalement inconscient et la guérison ne peut venir à ce moment là que d'une prise de conscience réelle de son mal-être. D'ailleurs, ce raisonnement est très bien mis en exergue par l'auteur quand elle décide de traiter la question des hommes qui choisissent inconsciemment des femmes qui aiment trop. En effet, ce dont on se rend compte c'est que la plupart du temps, ces hommes sont dans des situations d'indisponibilités qui attirent les femmes qui aiment trop qui en réalité sont incapables d'aimer dans des conditions "normales". Souvenez vous de ce que j'ai mentionné plus haut, une des caractéristiques des "femmes qui aiment trop" est l'impossibilité pour elles de se retrouver dans des relations amoureuses dans lesquelles elles ne retrouvent pas les obstacles auxquels elles ont été confrontées dans leur enfance. La sensation du "déjà vu" leur procure une certaine stabilité dont elles ont besoin pour fonctionner réellement en amour pour ne pas avoir à faire face à leur difficulté d'entretenir des relations saines.
Dans le même ordre d'idées, l'auteur fait état d'une conviction sociale auto-entretenue selon laquelle "une femme peut transformer un homme si elle l'aime profondément". Cette conviction négative serait abusive à plus d'un titre et notamment pour les femmes sur qui repose cette responsabilité depuis des siècles et que le système social n'a cessé de renforcer en ce sens. En effet, il appartient aux femmes de secourir les hommes avec qui elles sont qui rencontrent des difficultés personnelles. Cette démarche, qui en réalité s'apparente à un besoin de contrôle, s'explique par leur besoin de parvenir à une situation relationnelle qui cadre avec leur statut de "femmes qui aiment trop" incapables d'aimer autrement. En fait, il s'agit pour elles de ne pas se retrouver confrontées à la réalité du monde qui les entourent, préférant de loin l'image idéalisée qu'elles ont d'elles-mêmes et des circonstances qu'elles vivent au quotidien.
Pour faire court, l'auteur parle à ce sujet de la dénégation c'est à dire du refus d'accepter la réalité à deux niveaux: au niveau de ce qui se passe réellement et au niveau des sensations. Cette situation de dénégation conduit la personne qui en est victime à entretenir des comportements de fuite perpétuel pour se protéger de la douleur que pourrait lui procurer sa prise de conscience et son incapacité à faire des choix conscients pour affronter les difficultés qui se présentent. Ainsi, "le désir d'aider d'une personne qui a eu un passé malheureux ou qui vit une situation stressante est souvent une tentative de prise de contrôle". La conséquence est inévitablement l'éloignement du partenaire que l'on se donne tant de mal à vouloir changer. Il est intéressant de noter que la même attitude peut être observée chez les hommes via le phénomène de "compulsion au travail" qui leur permet simplement d'échapper aux conséquences de multiples dysfonctionnements liés à leur enfance. La seule alternative, pour l'un comme pour l'autre, est d'accepter que son bonheur personnel ne dépend pas de quelqu'un d'autre que soi.

"Il y a beaucoup de peine dans la vie et la seule qu'on peut s'épargner, c'est celle qu'on se donne pour éviter les peines".
Cette citation de Ronald Laing permet de clore l'analyse de l'auteur dans les tous derniers chapitres de son livre. En effet, les femmes qui aiment trop vont de dépendance en dépendance si bien que l'on se retrouve dans la situation d'une dépendance qui en nourrit une autre. Par exemple, une femme en manque d'affection ou d'amour peut abuser de nourritures, d'alcool ou de drogues pour combler ce manque qu'une relation amoureuse avec le sexe opposé semblerait pouvoir guérir (dans son esprit). En réalité toutes ces drogues sont des manières de se soustraire à la douleur. Ce qui est frappant dans le raisonnement de l'auteur c'est de considérer l'accoutumance à trop aimer comme étant une maladie au même titre que la toxicomanie ou l'alcoolisme. Ce que beaucoup de membres de la profession médicale rejettent.
Pourtant, à y regarder de près, les femmes qui aiment trop souffrent bien d'une maladie affective. Celle de la dépendance émotionnelle à l'égard d'un homme dont elle font le centre de leur vie et pour lequel elles ne cessent de vouloir prouver au monde entier qu'elles sont capables de leur venir en aide et de les faire changer d'attitude vis-à-vis d'elles. Ce comportement est maladif car destructeur sur le long terme puisque celles et ceux qui en souffrent se font violence progressivement portant atteinte à leur dignité, leur estime personnel et leur vie sociale. Peu à peu ils se renferment sur eux-mêmes, victimes du mensonge qu'ils ont créé mais qu'ils sont incapables d'assumer aux yeux du monde. Dans ces conditions, il est difficile de sortir du gouffre à moins de recevoir de l'aide d'un spécialiste et de prendre conscience de sa maladie. Ces deux points sont essentiels pour l'auteur pour qui on peut mourir de trop aimer.
"Si un individu est capable d'aimer de manière productive, il s'aime aussi lui-même; s'il ne peut aimer que les autres, il n'est pas capable d'aimer du tout".
C'est sur cette note que Robin Norwood invite chacune des femmes qui aiment trop à faire le choix de la guérison. Pour ce faire, elle évoque la marche à suivre dans les grandes lignes. Il s'agit pour l'essentiel d'un cheminement auquel les femmes, dont les histoires apparaissent dans livre, ont toutes eu recours de façon chronologique :
Chercher de l'aide
Faire de sa guérison une priorité vitale
Trouver un groupe de soutien formé de personnes compréhensives qui se trouvent dans la même situation
Développer sa vie spirituelle par la pratique journalière
Faire le choix d'arrêter de diriger ou de contrôler les autres
Apprendre à ne pas se laisser prendre "aux jeux"
Regarder ses problèmes et défauts en face
Cultiver ses forces intérieures
Devenir égoïstes
Partager avec les autres nos expériences et ce qu'elles nous ont appris.
En définitive ce livre revêt plusieurs utilités. Premièrement, il nous apprend que bien souvent nous aimons mal et c'est parce que nous aimons mal que nous souffrons. C'est important de l'avoir à l'esprit dans nos sociétés contemporaines où être en couple est plus important que préserver sa santé et son bien-être d'une relation malsaine. Ensuite, on peut considérer le fait "d'aimer trop" comme une maladie dont les symptômes sont liés à son enfance. En effet, ce que nous avons vécu plus jeune détermine en grande partie ce que nous vivons à l'âge adulte. C'est pour cela que tout au long du livre, l'auteur retrace l'histoire de femmes qui dans leur enfance ont toutes vécu des situations de profonds manques affectifs. Enfin, il est possible de détecter assez vite une situation d'amour malsain et d'en guérir en commençant par accepter son état de maladie et de se prendre en main sans chercher à s'imposer un amour impossible. Ce dernier point est une note d'espoir. En effet, il n'est pas nécessaire d'aimer absolument au détriment de ce qui est bon pour soi. Parfois, il faut avoir le courage de faire le choix de se faire passer avant et de choisir d'aimer pour soi et non pas pour les autres. Une relation saine est une relation dans laquelle "je sais où sont mes limites et ce que je suis capable de donner". C'est surtout une relation où je suis MOI sans avoir à contrôler l'autre et le transformer en ce qu'il n'est pas !

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